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Un régisseur malmené par les engagés chinois de 1844

Quatre ans avant l’abolition de l’esclavage, une expérience d’introduction de travailleurs engagés chinois est tentée à La Réunion. Gabriel Le Coat de K/véguen place plusieurs de ces nouveaux arrivants sur ses différents établissements. Rapidement, les relations dégénèrent, les engagés chinois ne s’attendant pas, en réalité, à être traités quasiment comme des esclaves.

Ces premiers chinois arrivent par la Malaisie, et ont été recrutés à Pulo-Pinang – Penang pour l’ancien nom-
Voir Edith Womg Hee Kam, L’engagisme chinois: révolte contre un nouvel esclavagisme, Conseil Général de La Réunion, 1999

Le planteur adresse ses récriminations à propos des chinois au directeur de l’Intérieur:

Aujourd’hui, l’insubordination est à son comble : ils menacent les régisseurs, les assassinent et mettent le feu partout où ils en trouvent l’occasion (…) A mon établissement des Casernes, ils ont cherché à tuer M. Ernest Lallemand, mon employé ; un chinois, employé à la batterie, a enlevé dans ses bras un de mes noirs, pour le précipiter dans une chaudière pleine de sirop bouillant ; il en a été empêché par d’autres noirs de la batterie. Les Chinois ont frappé avec une bûche le nommé Adolphe, commandeur, avec l’intention ainsi de le tuer. Ils ont incendié un grand magasin plein de charbon de terre et de bois de construction (…) Dans la nuit de 8 au 9 février, ils ont conçu le projet d’assassiner les employés et de mettre le feu à l’établissement en commençant par le magasin de rhum. A mon établissement de la Ravine-des-Cabris, ils ont cherché à assassiner mes employés et les ont même frappés. A mon établissement du Tampon, M. Grégoire Retout, mon employé, vient de recevoir plusieurs coups de couteau d’un chinois qui s’est introduit dans sa chambre. A mon établissement de Langevin, Saint-Joseph, ils ont frappé à coups de pioche M. Bonnet, employé. Ils ont donné des coups de couteau à M. Violaine. Ils ont poursuivi et assailli à coups de pierres Monsieur Urbel Baillif, régisseur en chef ; ils ont même tenté d’assassiner leur commandeur qui est un chinois (…)

Extrait d’une lettre de Gabriel Le Coat de KERVEGUEN au Directeur de l’Intérieur, colonie de La Réunion (1848)- ADR, 166 M1
Antoine-Grégoire Retout, comptable chez Le Coat de K/véguen, caricaturé par Grimaud- 1821-1855. Musée Léon Dierx/ADR 3J 1 71

Malgré les coups de couteau, le comptable employé au Tampon survit à ses blessures, et même se marie, quelques temps plus tard, en 1850 avec Hyacinthe Héloïse de Narmont. Le couple réside à Saint-Pierre.

Quant aux Chinois, la plupart retournent en Asie, à la fin de leur engagement, excepté peut-être ceux qui ont dû être condamnés à la geôle, pour les désordres causés dans les plantations et sucreries.

Les Archives de l’Etat-civil nous livre le nom de l’un d’entre eux, Boo, qui meurt au Tampon en 1848. Les deux témoins, Haï et Ah-Té (orthographié Athé sur l’acte) sont aussi, vraisemblablement, des engagés chinois. Rappelons que les orthographes sont très souvent approximatives sur ces actes. Quant au numéro matricule, il est difficile d’en tirer quelque chose: beaucoup de registres matricules manquent, ou sont incomplets.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Dominique Vandanjon-Herault (20 juin 2023). Un régisseur malmené par les engagés chinois de 1844. Une sucrerie à Bel Air. Consulté le 21 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/lwv8


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