Un emplacement propice

L’emplacement de l’Etablissement (c’est ainsi que l’on nomme les installations industrielles au 19e siècle dans l’île Bourbon/La Réunion) est judicieusement choisi. Il occupe une pointe étroite, au-dessus de la confluence de la Ravine Jean Payet – dont l’ancien nom est Ravine du Tampon, sur les cartes du 18e siècle- et la Rivière d’Abord.
La partie supérieure est dévolue à la culture de la canne à sucre, sur des terres achetées par la dynastie K/véguen, ou bien appartenant à d’autres propriétaires qui, par contrat, apportent leurs cannes à l’usine. C’est le cas de Fleury Hoarau, par exemple, par un acte notarié datant de 1838, conservé aux Archives départementales de La Réunion (ADR 3E 1419. : endetté auprès de Gabriel Le Coat de K/veguen, il s’engage à
« 1° à affecter le produit de ses sucres des cannes déjà plantées au paiement de la somme
2°- de prendre l’obligation de planter sur son terrain et celui de son épouse la quantité de 4000 gaulettes de terre en cannes comme suit : mille gaulettes en (… illisible) 1840 aussi de suite jusqu’en 1843, de les soigner et entretenir en bon père de famille pour des nouvelles plantations ainsi que celles déjà faites sur les terrains des époux Fleury Hoareau à être manipulées à l’établissement de sucrerie du Tampon- appartenant à Monsieur de K/veguen aux conditions suivantes :
– que ledit planteur fera couper ses cannes à ses frais et les chargera sur les charrettes de M . de K/veguen qui s’oblige à les envoyer chercher dans les champs du sieur Fleury Hoarau par des routes faites préalablement par ce dernier.
– M. de K/veguen s’engage à remettre au planteur chaque année la moitié des sucres de premier jet qui seront obtenus des cannes de M. Fleury Hoareau et le sieur Fleury Hoareau fournira les sacs nécessaires à emballer la portion de sucre qui lui reviendra à chaque coupe chaque fois que le partage des sucres aura lieu sur l’établissement de M. de K/véguen et en outre à toucher tous les ans soixante veltes de sirop Mélasse qui lui seront remises sur ses reçus par les employés de M K/veguen.
La partie inférieure, où l’usine est installée est la partie la moins propice à la culture de la canne. Elle est située à 50 mètres du lit majeur de la rivière d’Abord, dans une zone rocailleuse. La pente naturelle du terrain est mise à profit pour installer en hauteur le moulin à cannes, et favoriser l’écoulement du vesou dans une batterie dite “Gimart” en contrebas, puis vers les appareils Wetzell pour la cristallisation du sucre. En outre, l’ensemble des bâtiments et l’alimentation de la machine à vapeur est assuré par des conduites d’eau souterraines, alimentées via des bassins de rétention maçonnés en contre-haut, par les sources d’un petit affluent de la Rivière d’Abord.
L’un des quatre bassins d’origine existe toujours aujourd’hui, dans le jardin d’une propriété privée. Un autre, celui qui alimentait principalement l’usine, existe à l’état de vestige minimaliste.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Dominique Vandanjon-Herault (11 avril 2022). Un emplacement propice. Une sucrerie à Bel Air. Consulté le 20 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/lwum